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Evolution du texte sur le respect du droit à l'image de l'enfant (réseaux sociaux)

Le 13 juin 2023

Le développement et l’accessibilité des réseaux sociaux ont conduit à une sur exposition des adolescents sur les plateformes numériques dont les effets ne sont pas anodins : harcèlement scolaire, détournement des images sur des réseaux pédo-criminels, usurpation d’identité et atteinte à la réputation.

Il y a aujourd’hui une nécessité de compréhension des enjeux de l’utilisation des réseaux sociaux par les enfants eux-mêmes mais également par leurs parents qui sont les premiers garants du respect à la vie privée de leurs enfants.

La proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants tend à faire des parents les premiers acteurs de cette démarche de vigilance et d’attention concernant l’utilisation de l’image de l’enfant sur les réseaux sociaux.

Bruno Studer, Député Renaissance, porte cette proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants en renforçant les devoirs qui s’imposent aux parents dans le cadre de l’exercice de leur autorité parentale.

L’autorité parentale, définit à l’article 371-1 du Code civil, se compose de l’ensemble des devoirs qui s’imposent aux parents vis-à-vis de leurs enfants. Le parent doit ainsi « protéger (son enfant) dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. ».

La proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée Nationale, en première lecture, le 6 mars 2023 puis modifiée par le Sénat le 11 mai 2023:

 

  • Le Sénat a accepté la rédaction de l’article 1 de la proposition de loi qui introduit à l’article 371-1 du code civil, la notion de vie privée de l’enfant qui vient ainsi expliciter ce qu’implique « le respect dû à la personne de l’enfant » prévu dans les devoirs de l’autorité parentale.
  • Les sénateurs se sont montrés plus réticents quant à la place de l’article 2 au sein de la proposition de loi, qui visait à ajouter un nouvel article 372-1 dans le Code civil précisant le principe de l’exercice en commun du droit à l’image de l’enfant par ses parents, estimant que le principe de l’exercice commun de l’autorité parentale est déjà présent aux articles 371-1 et 372 du même Code.

Dans un objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, les sénateurs ont supprimé cet article, jugeant plus opportun de consacrer le droit à l’image de l’enfant à l’article 9 du Code civil, qui consacre déjà la notion de vie privée.

  • L’article 3 de la proposition de loi prévoyait qu’en cas de désaccord entre les parents quant à l’exercice des actes non-usuels relevant du droit à l’image de l’enfant, le juge aux affaires familiales (JAF) peut interdire à l’un des parents de publier ou de diffuser tout contenu sans l’autorisation de l’autre parent – ces mesures pouvant être ordonnées en référé en cas d’urgence (article 373-2-6 du code civil).

Les sénateurs n’en ont pas retenu la rédaction tout en conservant la substance.

En effet, la rédaction issue de l’Assemblée nationale faisait mention des « actes non usuels » qui nécessitent obligatoirement l’accord des deux parents. Le Sénat a souhaité inscrire à l’article 372-2 du Code civil, la nécessité de l’accord des deux parents pour la publication de l’image d’un enfant sans faire mention des actes usuels ou non usuels, formule plus directe permettant ainsi de servir l’objectif principal de cet article.

 

  • Les sénateurs se sont également interrogés sur « l’efficacité » de l’article 4 qui prévoit la délégation forcée de l’exercice de l’autorité parentale en cas d’usage abusif de l’image de l’enfant par le Juge aux affaires familiales : « en cas de diffusion de l’image de l’enfant qui porterait gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale », l’autorité parentale peut être délégué partiellement à un tiers.

Selon les sénateurs, cette délégation partielle n’empêcherait pas dans la pratique le parent de continuer à prendre des photos de l’enfant et de les publier sur internet, le tiers n’agirait qu’a posteriori, ce genre de situation caractériserait « une mise en danger de l’enfant dans sa santé, sa sécurité ou sa moralité », situation qui permettrait déjà de saisir le Juge des enfants pour qu’il prononce des mesures d’assistance éducative. Enfin, ils indiquent dans leur rapport que la délégation de l’autorité parentale serait réservée à des cas strictement déterminés comme :

  • Le désintérêt manifeste des parents
  • L’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale
  • La poursuite ou condamnation du- parent pour un crime commis sur la personne de l’autre parent ayant entrainé la mort de celui-ci.

Le Sénat a supprimé cet article.

Si effectivement, le Juge des enfants peut d’ores et déjà être saisi dans le cas de la mise en danger de l’enfant, il se heurte à une difficulté pratique au regard de l’engorgement des affaires de violences intrafamiliales. La caractérisation de la mise en danger en cas de publication des photographies pourraient être jugées « moindre » face à d’autres violences immédiates causées à l’enfant et auquel le juge doit répondre urgemment.

Le recours aux Juges aux affaires familiales, afin d’obtenir une délégation de l’autorité parentale, qui était prévue dans la rédaction de l’Assemblée nationale aurait pu être un intermédiaire de protection de l’enfant, avant le passage devant le Juge des enfants.

 

  • Enfin, le Sénat a ajouté à la proposition de loi un article 5 qui viendrait renforcer les pouvoirs de la CNIL en cas d’atteinte aux droits des mineurs. En effet, celle-ci pourrait désormais agir en référé pour demander le blocage d’un site internet qui diffuse des images d’enfants :
  • - Lors de la plainte du parent qui n’a pas donné son accord.
  • - Sans condition de gravité ou d’immédiateté de l’atteinte.

Face aux désaccords qui opposent les deux chambres parlementaires, une Commission Mixte Paritaire a été convoquée le 11 mai 2023 sans grand succès puisque cette dernière a constaté l’impossibilité de parvenir à l’adoption d’un texte commun, notamment concernant les dispositions des articles 3 et 4.

Une nouvelle lecture est actuellement en cours à l’Assemblée Nationale, dans le cadre de la reprise de la navette parlementaire, jusqu’à l’obtention d’une rédaction définitive.

Article co-écrit par Maître Sophia BINET, et Melle Marie Fèvre, étudiante au sein du Master 2 communication, sociologie du droit et de la justice à l’Université Paris-Panthéon-Assas.