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Dégradation de l'appartement : action du propriétaire contre l'occupant

Le 15 mars 2019

Un propriétaire a donné par contrat de location une maison d'habitation à une société (locataire) qui l'a mise à disposition d'un de ses salariés (occupant).

Suite à la résiliation du bail, le propriétaire constate d'importantes dégradations de la maison : défaut d'entretien de la maison, de la piscine, des terrasses et du jardin et nombreuses dégradations consistant notamment en des taches maculant la maison (sol, murs, plafonds), et absence de restitution de nombreux équipements, constatés par état des lieux contradictoire.

Le propriétaire assigne en justice (1) d'une part le locataire en réparation de son préjudice suite à des dégradations affectant la maison et (2) dirige d'autre part ses demandes contre l'occupant.

L'action envers la société locataire est toutefois jugée irrecevable par la Cour d’appel aux motifs que la société n'était plus locataire pendant la période au cours de laquelle les dégradations ont eu lieu dès lors qu'une seconde société locataire serait venue au droit de la première société locataire.

La Cour d'appel de Versailles retient que:

–        « l'action du bailleur ne pouvait, dans la même instance, être fondée à la fois sur la responsabilité contractuelle à l'égard du locataire et sur la responsabilité délictuelle à l'égard des occupants qui ne l'étaient qu'en application du contrat de bail et de leur lien contractuel avec la société [locataire] ».

–        « que le respect des obligations d'entretien ou de réparation dans un contrat de location ne peut s'apprécier qu'à l'égard du locataire qui doit être appelé en la cause et au regard de ses obligations contractuelles, qu'il ne peut, dans la même instance, être apprécié indépendamment à l'égard des seuls occupants au regard des règles de la responsabilité délictuelle »,

–        « et qu'il appartenait [au bailleur]de diriger son action contre son cocontractant à l'époque des dégradations alléguées sur la base de la responsabilité contractuelle de celui-ci ».

Mais la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel et considère que « la recevabilité de l'action en responsabilité délictuelle formée par le propriétaire d'un logement contre un occupant auquel il n'est pas contractuellement lié n'est pas subordonné à la mise en cause du locataire ».

Autrement dit, il n’est pas obligatoire de mettre en cause le locataire signataire du bail pour agir contre l'occupant du logement qui a dégradé les lieux.

Ce n'est pas parce que le locataire signataire du bail n'a pas été mis en cause que l'action en responsabilité délictuelle, engagée par le bailleur, contre l'occupant du logement ne peut pas prospérer.

Il s'agit peut être là d'une décision d'opportunité : en effet, la société locataire ayant été mise hors de cause eu égard au fait qu'elle n'était plus locataire pendant la période au cours de laquelle les dégradations avaient été commises et ne devait donc plus répondre de son obligation d'entretien et de réparation, le bailleur s'est retrouvé sans possibilité d'indemnisation sur le fondement contractuel. Il a en effet intenté une action contre le mauvais locataire. En revanche, la Cour de cassation lui permet d'agir contre l'occupant, et ceci même s'il n'est pas lié avec lui par un contrat, sur le fondement délictuel.

La solution de la Cour de cassation parait néanmoins logique : l'occupant doit répondre des dommages qu'il cause sur le fondement de sa responsabilité délictuelle (art. 1240 Cciv), peu important le succès ou non de l'engagement de la responsabilité contractuelle du locataire.

Cass.3e civ., 20 déc. 2018, n°17-31.461, FS-P+B+I

 

Article co-rédigé par Me Sophia BINET et Melle Nardjes KHALDI, IEJ Paris 1 Panthéon Sorbonne.